Le tableau noir (en réalité vert foncé) arborait malgré lui quelques lettres tracées à la craie et formant des mots que le professeur se serait empressé d'effacer, s'il avait été là. Dans un coin du tableau semblait traîner, à moitié effacée, la date du jour, ultime témoin du drame, comme les aiguilles d'une montre cassée sous le choc d'un crime de mauvais feuilleton policier.
Dans ce lieu empreint de chaos, une commode de bois au tiroir du haut ouvert réussissait pourtant presque à donner le change. En y regardant de plus près, on pouvait voir que, en équilibre instable sur le bord de ce tiroir, s'aventurait au dehors un pot de peinture verte, sous le regard inquiet de son petit frère, un pot de confiture à l'abricot resté timidement en retrait.
Je fus témoin de la sortie courageuse de ce pot et je ne pus m'empêcher de le comparer à cet humain qui, le premier, sortira de son abri nucléaire après la prochaine guerre atomique (le plus tard possible, je l'espère) pour constater les dégâts...
Nous restâmes là un moment, lui et moi, avec le sentiment confus d'avoir échappé à un désastre et la pensée coupable de ne pas l'avoir mérité plus que les autres. Aussi, par respect pour les victimes, je quittai ce sanctuaire, sitôt mes esprits retrouvés.